• Tandis qu’April s’installait à table, elle s’attarda sur le visage de la jeune femme qui était assise en face d’elle. C’était une fille assez grande, et mince, tout comme elle. Les deux jeunes filles avaient les mêmes yeux, d’un marron profond. Ses cheveux étaient assez longs et blonds comme les blés. Elle avait un air malicieux. La jeune fille avait vraiment l’air gentille, pas très caractérielle.


Elle se présenta comme se nommant Charlie. Un prénom qu’April avait déjà entendu pour des garçons, mais pas pour des filles. Mais il lui allait à la perfection. Celle qui s’appelait Charlie ne disait rien à April, elle ne pensait pas l’avoir déjà vue, mais pourtant, elle était de sa faction… Ce qui était étrange… Enfin ceci dit, il y avait tant de monde chez les sincères, qu’il était difficile de connaître tout le monde.

La jeune femme attira son attention vers le groupe de sincères qui était à leur table. April tendit l’oreille. Une fille qui avait l’air plus jeune que les autres s’extasiait sur une actrice, et les autres semblaient passionnées par ses propos, argumentant de temps en temps, en disant qu’une autre jouait mieux, ou était plus jolie… Rien de bien passionnant. Le regard d’April se trouva à nouveau sur Charlie, qui la fixait de son air malicieux.

- C'en devient ridicule, tu ne trouves pas ?

April sourit en haussant les épaules, et lui répondit aussi malicieusement.

-Oh, tu es native des sincères, tu devrais y être habituée depuis le temps, à moins que tu aies passée ton enfance avec des bouchons greffés à tes oreilles, ceci dit, c’est peut-être la faute de tes oreillettes.

Puis, elle laissa échapper un petit rire d’entre ses lèvres, en entamant son plat. Elle vit Charlie jeter un coup d’œil à sa montre, et eu ainsi le réflexe de regarder la sienne à son tour. Il était midi et demi, et bientôt, les cours commenceraient pour April. Elle s’étonna cependant de voir Charlie intéressée par l’heure, à son âge, elle devrait en avoir finis avec les horaires des cours…

- Tu as des novices à charge ?

Demanda-t-elle curieusement. Elle remarqua que Charlie scrutait ses traits, perplexe… Un peu comme si elle se demandait où elle s’étaient vus. Mais April n’avait pas le moindre souvenir d’elle… Bien que ses traits lui étaient familier… Mais non, les jeunes filles ne se connaissaient pas, April en était certaine. La voix cristalline de la blonde vint confirmer ses pensées.

-Où est ce que tu vas à l'école ? Je suis sûre de t'avoir déjà vu quelque part.

April haussa un sourcil, il n’y avait qu’une seule école à Chicago, Charlie devait vraiment être distraite pour lui poser cette question. Elle lui répondit gentiment, même si en temps normal, elle aurait pris un ton grognon, elle était de bonne humeur en ce jour.

-Charlie, tu es sure d’avoir grandi ici ? Je te rappelle qu’il n’y a qu’une seule école dans la ville… Ton visage ne me dis rien pourtant…

Son regard se reporta sur son dessert qu’elle commença à dévorer. April était très gourmande, et ne manquait jamais une occasion de manger, surtout quand il s’agissait de chocolat. Même si elle n’en montrait rien, les dires de Charlie la laissait perplexe… Comment une fille pouvait avoir des traits similaires aux siens, et penser la connaître, alors qu’elle-même n’en avait aucun souvenir… ?

• Tandis qu’April mangeait son dessert, elle vit la surprise de Charlie, face à sa perspicacité… Pour la jeune fille, cela n’avait rien d’exceptionnel, il s’agissait d’analyser une situation et d’en déduire des choses… Un peu comme en biologie, c’était le même principe… Il me semble que ça s’appelle la démarche expérimentale… Oui, ça doit être ça.
Charlie lui répondit qu’elle avait en effet des novices à charge le matin, et des primaires l’après-midi. April se dit que la jeune femme devait aimer s’occuper des autres, être là pour eux… Ce qui n’était pas vraiment son cas, elle ne se voyait pas s’occuper d’enfants pour le moment, ou en tout cas, pas des gosses. Ils ne faisaient qui crier tout le temps, et se disputer pour un oui ou pour un non. Ridicule et Puéril. Les novices quant à eux, étaient beaucoup plus intéressants.
Tous les ans, April les observaient, il y avait les natifs, et les autres. Parfois elle se demandait ce qui avait poussé des jeunes à rejoindre les sincères, alors qu’elle ne demandait qu’à quitter cette faction d’ennui et d’honnêteté.

La jeune fille ajouta cependant qu’elle aurait pu être instructrice à plein temps, mais que, de son plein grès, elle avait fait le choix de refuser cette proposition. La brune s’interrogea sur les motivations de Charlie à refuser ce poste… En quoi consistait l’initiation des novices sincères ? April le savait, elle n’était pas née de la dernière pluie… Mais alors… Charlie était-elle soucieuse des autres au point de ne pas supporter de voir l’intimité des gens s’évaporer sous l’effet dévastateur du détecteur de mensonge ? Elle avait l’air douce, c’est vrai, mais était-ce à ce point-là ?

April ne réagit pas à ce qu’elle venait de lui dire, et de toute façon, elle ne savait pas vraiment quoi dire, elle n’avait pas envie de faire la curieuse, elle l’avait déjà assez faite pour le moment…

Par la suite, Charlie scruta le cendrier qui trônait au centre de la table, et prit une cigarette tout en intimant à April de ne pas la faire remarquer… Même si elle ne comprit pas en quoi fumer était dérangeait, elle hocha la tête en esquissant un léger sourire. Elle-même ne fumait pas. Elle avait déjà fumé, elle appréciait moyennement le gout du tabac, et la sensation de la fumer qui traversait sa gorge. Il lui arrivait très rarement de fumer, quand elle était prise de panique, mais c’était tout.

Par la suite, Charlie recommença à la scruter, ce qui avait tendance à déplaire à April, sauf quand il s’agissait de beaux jeunes hommes, qui la regardaient passer devant eux, l’œil grand ouvert. Mais la brune ne montrait rien de son agacement grandissant. Et puis Charlie lui dit

- Tu ressembles à mon père... C'est bête, je sais.

Avant de laisser un petit rire nerveux s’échapper de ses lèvres. April observa à son tour la fille située en face d’elle. Oui, elles se ressemblaient. La peau de Charlie était plus claire que la sienne, et leurs cheveux étaient très différents… Mais leurs yeux… Il y avait quelque chose, un air de famille, quelque chose de son père… Mais non, ce n’était pas possible… April ferma les yeux et vit défiler les disputes de ses parents lorsqu’elle était enfant. Elle ne voulait pas que ce soit ça, la vérité. Elle sourit à Charlie.


Elle retroussa ses manches, et commença à se lever.

- Je dois aller prendre des affaires dans mon dortoir.

Puis, elle se leva, et marcha rapidement jusqu’à la sortie du self. Passée celle-ci, elle retrouva les couloirs désertés et se mit à courir vers sa chambre. Elle ignorait si Charlie la suivrait, elle prenait la fuite, elle avait besoin de réfléchir seule.