Destin misérable tout tracé, je suis issu d'une famille de sans-faction qui s'est créé par hasard. Ma mère avait besoin d'un homme pour la protéger tandis que mon père avait besoin d'une femme pour se satisfaire. Puis je suis arrivé. Un bébé pleurant et criant en tombant dans les détritus de la ville. Au départ incertain de vouloir un enfant, ils voulaient se débarrasser de moi comme un vulgaire déchet. Qui dit bébé dit après tout qu'ils devront être responsable et s'occuper de moi. Nourrir, m'habiller, m'éduquer... Ce genre de chose qui n'entraient pas forcément dans leurs capacités malgré leurs âges avancés. Et puis, quel enfant pourrait s'épanouir chez les Sans-factions ? Autant le tuer tout de suite, une mort serait bien plus préférable comme cadeau qu'une existence misérable parmi eux ! Et pourtant, ils refoulèrent leurs pensées et me gardèrent, même pas capable d'assumer leurs terribles desseins. Au contraire, assumer ma présence devint finalement plus facile. Mais cela ne voulait pas dire qu'ils s'occupèrent malgré tout bien souvent de moi, me laissant même parcourir la ville alors que je n'étais qu'un pauvre petit gamin inoffensif savant à peine marcher et encore moins courir. Et c'est de cette manière que j'apprenais tout seul les choses. Que je découvris la dure réalité de la société, les factions, les statuts et les privilèges de certaines personnes tandis que l'on fermait les yeux sur ces personnes tel que moi, qui se mourraient dans leur coin minable, qui vivaient dans la crasse, abandonnées de tous. Ô combien, je m'étais rapproché de l'école pour essayer de découvrir pourquoi autant d'enfants passaient leur journée ici tandis que je restais dehors. Pourquoi l'on ne m'acceptait tout simplement pas alors qu'à l'apparence, je ne différais pas de ces jeunes qui avaient simplement eut de la chance.

Et un jour, on me remarqua avant de me chasser tel un petit animal sauvage qui aurait pu regarder ses êtres innocents affamés. Mes parents, apprenant enfin la raison de mes escapades, m'avaient également sermonné avant de me contraindre à aller régulièrement à la collecte de la nourriture et des vêtements. Se moment où l'on aligne les Sans-Factions qui attendent sagement leur dû tandis que les hommes et les femmes en tenue grise arrivent pour donner ce que l'on attend d'eux. Des vêtements. De la nourriture. Rien de moins. Rien de plus. Au départ, je les aimais bien ces Altruistes. Ils étaient après tout les seuls qui pensaient réellement à nous. Les seuls qui donnaient ce qu'ils avaient sans rien demander en retour. Je me demandais alors que c'était une chance de les avoir et que notre existence serait bien plus désagréable à vivre s'ils n'étaient pas là. Pourtant, malgré les dons réguliers de biens, on vit encore dans la crasse, on vit encore dans la pauvreté et cela ne changera peut-être jamais si l'on ne nous voyait pas comme une faction à part entière. Qui plus est, en grandissant, j'appris que les altruistes étaient à la tête du gouvernement et que, par conséquent, c'était donc leur droit de changer les choses plutôt que de tendre symboliquement une main aux plus démunis... Ils avaient les pouvoirs nécessaires pour bouleverser totalement les choses au lieu de nous garder faiblement en vie. Le pire dans tout cela, c'est que les donations ne suffisaient plus à ma famille et moi, il fallait que je trouve un métier au plus vite.

C'est donc à peine âgé de dix ans que je commençais à travailler, passant par diverses rues pour aller quémander un boulot à ceux qui pouvaient avoir d'un simple Sans-faction comme moi, passant souvent par moment prêt de l'école, rêvant un jour pouvoir m'y rendre pour me faire des amis. Je me tuais à la tâche sans jamais me plaindre. Décrassant des toilettes publiques sans que jamais l'on ne soit content de mon ouvrage ou faisant d'autres métiers tout aussi répugnants. Il m'arrivait même de jongler entre plusieurs jobs afin que mes parents et moi aient le ventre plein le soir même, pour recommencer le lendemain. Et naïf, c'est peu à peu que je m'étais laissé tomber dans la prostitution, songeant que cela n'aurait aucun impact sur ma petite âme d'innocent et pensant seulement à gagner un maximum sans faire trop d'effort. Vous vous doutez bien que plus tard, j'ai beaucoup regretté d'avoir fait ce choix même si je continue de revenir dans les couches de quelques personnes lorsque la nourriture manque à l'appel. Et malheureusement, le problème se perpétue de plus en plus au cours du temps. L'arrivée d'un nouvel enfant dans la famille n'arrangea d'ailleurs pas les choses.

Pas moins inconscient après la première naissance, ils avaient cru qu'ils pouvaient compter sur nous afin de pouvoir subvenir à leur besoin en travaillant pour eux plutôt que d'être un poids. Aussi, ils avaient songé à pousser ma nouvelle petite sœur à prendre le même destin que moi lorsqu'elle serait apte à comprendre l'enjeu de la survie d'être un sans-faction, imaginant que peut-être, elle serait plus attractive que moi encore à attirer des clients. Devinant aisément leur petit jeu, je me suis juré de garder ma sœur un maximum à mes côtés et assurer une bien meilleure existence que celle que j'avais connu. Bien évidemment, je la poussais à aider la famille et aller récolter les dons pour que l'on puisse manger à notre faim, à la présenter comme une bête de foire, espérant qu'une pauvre enfant dans cet état pousserait les passants à donner un petit quelque chose pour nous. À chanter à ses côtés en pleine rue et espérer une nouvelle fois gagner quelque chose en retour... Mais je ne pouvais pas faire autrement. À présent, je n'avais pas seulement deux personnes à surveiller mais trois... La petite dernière dont je m'occupais tel un petit bijou précieux. Un ange dont je voulais absolument préserver pour son innocence et la naïveté que moi-même j'avais perdu bien trop tôt. Malheureusement, elle grandissait malgré tout bien plus vite que je ne l'aurais espéré et finit par deviner tout comme moi qu'elle n'était qu'un être voué à être condamné et se faire écraser par les puissants. De la même manière, elle finit par découvrir le monde malsain que je côtoyais alors que je l'emmenais avec moi pour qu'elle puisse dormir dans une chambre à part, espérant donc qu'elle ne vienne ouvrir la porte de la mienne et nous découvre choqué lorsque l'on se trouvait en plein ébat. Elle ne l'a jamais fait pourtant, mais elle reste malgré tout intelligente. Et si elle n'assimile fort heureusement totalement la chose, elle n'est pas dupe. Si l'on ne me tape pas, il doit forcément se dérouler quelque chose d'autre pour que je crie aussi fort...

Ainsi les choses se déroulent de cette manière encore aujourd'hui. Je me comporte en chef de meute, assurant le bien être de la famille et protégeant certainement la plus faible d'entre tous. Mon père tente du mieux qu'il peut pour garder sa place de patriarche, mais il se montre plutôt médiocrement pour y parvenir. Et on survit. Encore et toujours.